Accueil / Fréquence et causes des cancers en France

Fréquence et causes des cancers en France

Publié en ligne le 7 juin 2016 - Causes de cancer -

Tout le monde « sait qu’il y a de plus en plus de cancers en France », et que les causes en sont multiples. Pollution, rayonnements ionisants, pesticides, tabac, alimentation… sont les causes fréquemment évoquées. Nous résumons les principales données sur ces deux sujets.

Fréquence des cancers en France

Il existe deux indicateurs pour mesurer la fréquence des cancers : le nombre annuel de nouveaux diagnostics et le nombre annuel de décès. Le second dépend à la fois du nombre de nouveaux diagnostics et de la survie après diagnostic, donc de l’effet des traitements. Ainsi, on peut avoir autant de cas et moins de morts si les traitements s’améliorent. La figure 1 montre les évolutions de l’incidence (ou nouveaux diagnostics) et de la mortalité par cancer, à âge égal pour éliminer l’effet du vieillissement de la population (voir encadré). Les données de mortalité sont disponibles depuis longtemps et sont directement observées, alors que les données d’incidence sont disponibles seulement depuis 1980 et sont estimées à partir des registres départementaux qui couvrent aujourd’hui 18 % de la population.


L’effet du vieillissement de la population

Si la population augmente de 10 % et si le nombre de cancers augmente aussi de 10 %, le risque n’a pas augmenté, c’est pour cela qu’il n’est pas informatif de comparer des nombres, il faut rapporter ces nombres à la taille de la population, on calcule donc des taux pour 100 000 personnes.

Par ailleurs, le risque de cancer et le risque de décès par cancer augmentent très fortement avec l’âge. Par exemple, le risque annuel de décès par cancer chez l’homme en France est d’environ 10 pour 100 000 à 30 ans, de 100 pour 100 000 à 50 ans et de 1 000 pour 100 000 à 70 ans ; le vieillissement de la population augmente donc automatiquement les taux annuels. La population française adulte contenait, en 1968, 44 % de personnes d’environ 30 ans, 35 % de personnes d’environ 50 ans et 20 % de personnes d’environ 70 ans. En 2011, ces proportions étaient respectivement de 37 %, 38 % et 25 %. En gardant les mêmes taux observés dans les trois groupes d’âge, la mortalité par cancer pour 100 000 hommes passe donc de 242 à 293 simplement par effet du vieillissement, sans que le risque ait augmenté à âge égal.

Pour éliminer l’effet du vieillissement dans l’étude de l’évolution de la fréquence des cancers, on calcule des taux « à âge égal » ou taux standardisés, en appliquant les taux observés dans chaque classe d’âge de 5 ans à une répartition standard de population proposée par l’Organisation Mondiale de la Santé.

Figure 1 : Évolution de l’incidence (nouveaux diagnostics) et de la mortalité par cancer en France - Taux pour 100 000 à âge égal (standard monde).
Sources : INVS pour l’incidence et CepiDC, analyse C. Hill, pour la mortalité

La mortalité par cancer diminue depuis 1987 chez les hommes et depuis 1959 chez les femmes, alors que l’incidence a augmenté nettement jusqu’en 2005 chez les hommes et chez les femmes. Cette contradiction s’explique en grande partie par l’évolution des pratiques médicales. Chez les hommes, une prescription croissante de dosage de l’antigène prostatique spécifique (ou PSA pour « Prostate Specific Antigen ») a entraîné une augmentation très importante du nombre de diagnostics de cancer de la prostate (l’incidence), dont de nombreux cancers qui ne seraient jamais devenus symptomatiques du vivant de la personne et n’auraient donc jamais causé leur mort[1]. Chez les femmes, une partie de l’augmentation vient de la fréquence accrue des diagnostics de cancer du sein et de l’augmentation du risque de cancer du poumon.

L’évolution de la mortalité dans les 61 dernières années est décrite dans la figure 2 pour les principales localisations de cancer. Chez les hommes, on observe dans les années récentes une baisse de la mortalité pour la plupart des localisations, sauf pour le cancer de la peau, relativement rare, qui augmente de 1,5 % par an depuis 1988 et pour le cancer du pancréas qui augmente de 0,3 % par an depuis 1976. La baisse annuelle est, pour les localisations fréquentes, de 4 % pour les cancers de la tête et du cou et de la prostate, de 3 % par an pour le cancer de l’estomac, de 2 % par an pour le cancer colorectal, les leucémies et lymphomes, et le cancer de la vessie et enfin de 1 % pour le cancer du poumon. Chez les femmes, la mortalité par cancer du poumon augmente de 4 % par an et la mortalité par cancer de l’endomètre (muqueuse utérine) et du pancréas de 1 % par an, le cancer du foie et de la peau augmente aussi de 0,6 % et 0,5 % par an respectivement. La baisse est de 3 % par an pour le cancer de l’estomac, de 2 % par an pour le cancer colorectal et les leucémies et lymphomes.

Figure 2 : Évolution de la mortalité pour les principales localisations de cancer en France (Taux pour 100 000 à âge égal – standard européen).

Les causes évitables de cancer

Les principales causes de cancer évitables sont présentées dans la figure 3. Ces estimations portent sur les données de l’année 2000. Depuis, l’exposition de la population masculine au tabac a nettement diminué, l’exposition à l’alcool n’a que peu varié dans les 10 dernières années. Chez les femmes, les générations entrées en masse dans le tabagisme vieillissent, atteignant des âges où les effets chez les fumeurs deviennent très importants. À ces générations succèdent de nouvelles générations qui fument autant.

Toute recommandation de prévention devrait être assortie d’une estimation de la réduction attendue du risque correspondant. À défaut, le public met sur le même plan une alimentation bio (efficacité nulle), la pratique d’un sport (efficacité faible, voire très faible) et l’arrêt du tabac (efficacité très importante : le tabac tue la moitié de ses consommateurs réguliers, et le risque dépend beaucoup plus de la durée que de la dose, donc arrêter vaut la peine).

Il serait utile de faire un observatoire des fausses croyances en matière de facteurs de risque de cancer et un inventaire des recommandations de prévention qui ne reposent sur rien. Ce serait un contre-feu indispensable à l’abondance de recommandations infondées.

Figure 3 : Importance de différentes causes de cancer évitables. Nombre de cas attribuables à chaque cause.
Les causes de cancer évitables

Les estimations présentées portent sur les nombres de cancers attribuables aux principales causes évitables ; on ignore donc les causes non modifiables (par exemple pour le cancer du sein : avoir un parent du premier degré atteint, ou avoir eu une maladie bénigne du sein, ou avoir été réglée avant 14 ans sont des facteurs qui augmentent les risques, mais ils ne sont pas modifiables).

Pour la plupart des causes étudiées, l’alternative est l’absence d’exposition. Pour éviter le radon, il faut isoler le sol, ventiler et aérer les maisons en zone granitique, les effets du radon et du tabac se multipliant, il faut aussi éviter le tabac.

L’exposition au rayonnement UV est cause de cancers de la peau, que l’exposition soit solaire ou en cabine de bronzage, certains pays ont d’ailleurs interdit ces cabines.

Les expositions professionnelles prises en compte sont dans l’ordre d’importance l’amiante (40 % des cas), les hydrocarbures polycycliques aromatiques (26 %), le chrome hexavalent (14 %), puis les expositions au nickel, au benzène, à la silice, dans l’industrie du caoutchouc, et le travail de peintres, chacun pour 3 %, ensuite les poussières de bois (2 %), le radon professionnel et les amines aromatiques (1 % chacun) et enfin les poussières de cuir, le cadmium et les huiles minérales peu ou pas traitées.

Les polluants pris en compte sont ceux dont la cancérogénicité était considérée comme certaine en 2007, c’est-à-dire le tabac passif, l’exposition domestique à l’amiante, et l’exposition au radon dans les maisons. Depuis, la pollution de l’air par les particules fines et l’exposition aux vapeurs de diesel ont été ajoutées à la liste des cancérogènes certains, mais les estimations restent à faire.

Conclusion

Il n’y a pas d’épidémie de cancer en France ; dans l’ensemble, les nombres de cancers n’augmentent que par effet démographique de l’accroissement et du vieillissement de la population. La principale exception est le cancer du poumon chez la femme.

Les lobbies du tabac et de l’alcool et certains mouvements obscurantistes répandent des informations erronées sur des risques hypothétiques. La seule réponse est l’examen des données disponibles.


1 | Hill C., Laplanche A. «  Cancer de la prostate : les données sont en défaveur du dépistage  ». Presse Med. 2010 Sep ; 39(9) :859-64.

Publié dans le n° 316 de la revue


Partager cet article


L' auteur

Catherine Hill

Catherine Hill est épidémiologiste et biostatisticienne, spécialiste de l’étude de la fréquence et des causes du (...)

Plus d'informations